- 1Pierre Bourdieu en Jean-Claude Passeron,Reproduction : preuve d'une théorie du système énergétique(...)
- 2Hugh Mehan, "Comprendre les inégalités scolaires : l'apport des approches interprétatives"(...)
1Traitant de l'analyse sociologique des dispositifs « par projet » et notamment de la mise en œuvre du « travail personnel encadré » (TPE) - de sa genèse à la présentation orale et au développement - par les élèves de première année d'un lycée français, la « boîte noire » de l'école. Il nous donne une image complète des mécanismes sociaux et didactiques à l'œuvre dans la création et la mise en œuvre de ces TIC par les différents acteurs impliqués (notamment les étudiants et les enseignants encadrants). Le choix méthodologique fort de mener une ethnographie des micro-interactions dans une seule école - au détriment, par exemple, d'une analyse comparative - afin d'expliquer le phénomène théoriquement connu de reproduction des inégalités et des processus de dominance scolaire1c'est payant : le livre explique la sociologie de ces processus de manière cohérente et précise. Avec la détermination de l'ethnographe chevronné et une rigueur scientifique exemplaire, l'auteur identifie les sources de son invisibilité et parvient à nous convaincre du paradoxe suivant : l'application de ces instruments horizontaux renforce plutôt qu'affaiblit, quelle que soit l'intention du Législateur - culturel la domination de certains groupes de personnes sur d'autres et donc la reproduction des inégalités sociales et éducatives. L'apport scientifique de Stéphane Vaquero à ce sujet, et à la sociologie de l'éducation en général, est donc précieux : le matériau ethnographique sur lequel s'appuie l'auteur lui permetdans le détailla production de sens par des acteurs dont les actions, malgré leurs bonnes intentions, contribuent à la reproduction d'un système scolaire inégalitaire. Le projet, par la finesse de son investigation, permet de comprendre l'importance de la dimension locale et des interactionsen vueà construire les inégalités scolaires et à donner de l'eau ethnographique au broyage, ce qui manque parfois dans ce domaine2– discussions et questions scientifiques et sociales sur ce sujet.
2Pour cela, Stéphane Vaquero revient d'abord sur la genèse socio-historique de la mise en place de ces outils pédagogiques horizontaux et interdisciplinaires, les TPE, dans les lycées français. Il pointe d'emblée l'ambiguïté inhérente à cette histoire : « Les attentes [de ces TPE] sont moins liées aux acquis scolaires antérieurs et laissent plus de place aux savoirs et savoir-faire acquis en dehors de l'école » (p. 49). L'objectif initial du législateur de réduire les inégalités scolaires en mettant en place des dispositifs favorisant l'apprentissage par l'investigation a été progressivement abandonné dans le processus administratif et politique de sa mise en œuvre au profit d'une exploitation paradoxale de la "capacité à former une pensée générale, souvent avec peu de connaissances préalables" .Possession de connaissances, analyse des problèmes quotidiens par des moyens rhétoriques, pensée sophistique, où la forme l'emporte sur la rigueur de l'argumentation menée » (p. 50).
3Deuxièmement, l'auteur procède à ce qu'il appelle une analyse « statistique ethnographique » (p. 52) en comparant systématiquement les scores moyens des étudiants des autres disciplines avec ceux des TIC. S'il apparaît que les élèves sont généralement plus performants en TPE, cela ne garantit pas que les inégalités seront éliminées : Au contraire : « La comparaison des résultats des TPE avec le code des parents d'élèves montre que le dispositif approfondit les inégalités sociales pénètre depuis « le reste de la leçons » (p. 58). Par ailleurs, l'attention portée aux commentaires des enseignants met en évidence leurs « goûts et dégoûts » (p. 59) et leur tendance à juger l'originalité du travail comme essentielle à leur travail. Stéphane Vaquero souligne que cette catégorie analytique dans sa mise en œuvre dépend avant tout sur la proximité culturelle entre les élèves et les enseignants en question - ce qui renforce encore les inégalités et les processus de dominance culturelle au sein de l'école.
4Dans un troisième chapitre, l'auteur s'intéresse à l'application concrète et pratique des TIC dans l'enseignement secondaire où il réalise son ethnographie. De cette façon, il parvient à saisir les détails de certaines micro-interactions qui ont lieu entre l'administration et différents groupes d'enseignants et l'importance de ces relations sociales dans la mise en œuvre pragmatique de ces ateliers pour les étudiants. Il s'avère que certains enseignants parviennent à imposer aux autres leur vision de ce que devraient être les TPE -prime, a des implications pédagogiques, car ces dispositifs sont alors soutenus dans leur application par des logiques culturelles spécifiques et pas d'autres.
5Dans le quatrième chapitre, l'auteur tente de mettre en lumière l'invisibilité de certaines inégalités sociales et pédagogiques en réfléchissant au processus de formation des groupes d'élèves et en le reliant au degré d'autonomie attendu des enseignants et à la concurrence moins consciente entre les autres groupes. Là encore, les affinités culturelles entre les professeurs et certains élèves, révélées lors de l'encadrement de la pièce et lors des discussions, ou les qualifications liées au choix du thème central à la (re)mise en scène par les comédiens, sont des inégalités. Les nombreux extraits d'entretiens et d'observations ethnographiques de ce chapitre permettent à l'auteur d'analyser ces thèmes avec une précision impressionnante.
6Enfin, dans une dernière partie, divisée en trois chapitres, Stéphane Vaquero s'attarde sur le contenu des archives et les types d'entretiens scolaires menés par les étudiants en très petites entreprises. Ces dernières analyses sont « à l'interface de la sociologie et de la pédagogie » (p. 157) et forment le cœur de l'ouvrage. Au fil de leurs lectures, la pertinence des choix méthodologiques de l'auteur se précise. Rétrospectivement, à travers l'analyse des interactions et des logiques micro-sociologiques à l'œuvre dans les échanges entre tuteurs et étudiants, elle nous montre comment, au sein de ces outils pédagogiques, certains étudiants parviennent à « faire mouche » [chapitre 5]. avoir du style [chapitre 6] et être critique [chapitre 7] » (p. 158) et comment ces qualités fondent les valeurs sur lesquelles les enseignants s'appuient finalement pour juger du travail effectué. Il énumère ainsi les nombreux malentendus qui surgiront chez les élèves les moins « doués », c'est-à-dire les conséquences à redouter : il se place entre les agissements des héros et les jugements des fonctionnaires qui se (re)produiront à partir de la fin les Ingalites et les dominions qu'il détient. Bifurquer.
7L'analyse de Stéphane Vaquero est excellente à tous points de vue : posture méthodologique, qualité de rédaction, clarté et pertinence des résultats, posture éthique, etc. la position finale Commentaire à la fin, lorsque l'auteur, après avoir résumé les résultats et les limites de sa recherche, essaie de proposer des suggestions pratiques. Des solutions qui visent à « prendre le contrôle de ces ressources tout en essayant de limiter leur impact inéquitable » (p. 258). En fait, on préférerait ne pas retrouver ces quelques phrases courtes prescriptives, car elles ne font pas partie de l'analyse sociologique entreprise par l'auteur tout au long de son livre (c'est-à-dire diagnostiquer l'impact des TPE sur les processus de gouvernance scolaire) qui définissent le reste, et qui leur contenu - trop succinct - ne peut réellement bénéficier même aux enseignants les plus consciencieux et les plus déterminés, car, comme l'auteur lui-même l'a montré au cours de ses recherches, le problème va au-delà de la simple coercitionBureausuperviseur enseignant.